Introduction

Au cinéma, la colorimétrie est un outil hyper puissant pour porter le propos du film. Par exemple, chez Wes Anderson, on retrouve souvent des couleurs très saturées pour évoquer un univers onirique, presque surréaliste. Alors qu’au contraire, dans le film The Batman, c’est une palette de couleurs sombres qui a été choisie pour refléter le vice de Gotham city.

Et si je vous disais maintenant qu’il est possible de faire exactement la même chose en musique ? Là aussi, il existe différentes « couleurs musicales », pour donner à son morceau une ambiance bien particulière. Et ces couleurs, je vous le mets dans le mille : ce sont les modes.

Par exemple, le mode « lydien » permet d’apporter instantanément une touche de « féérie » au morceau. A l’inverse, le mode phrygien est quant à lui connu pour être beaucoup plus sombre. Bref, chaque mode possède sa propre couleur, et imprime de ce fait sa propre empreinte sur le morceau.

Aujourd’hui, je vous propose que l’on découvre ensemble les principaux modes. Et comme je sais que c’est un sujet qui pose souvent problème, on va en profiter pour tout reprendre depuis le début.

Qu’est-ce que c’est un mode ? Comment les construire facilement ? Quelles sont leurs caractéristiques ? Quels sont les morceaux connus qui les utilisent ? Bref, à la fin de cet article, les modes n’auront plus aucun secret pour vous. 😉

I / Qu’est-ce qu’un mode ?

1) Une gamme modifiée

Un mode, c’est un peu comme une gamme. (Et si vous voulez savoir précisément ce que c’est une gamme, je vous renvoie à ma vidéo sur le sujet). Mais c’est une gamme un peu spéciale, dans le sens où on a modifié son point de départ.

Par exemple, si on prend la gamme de Do Majeur, on voit que sa première note c’est le Do. Eh bien, si on la commence maintenant par sa deuxième note, le Ré, on obtient un mode. Si on la commence cette fois ci par sa troisième note le Mi, on obtient un autre mode etc.

2) Les 7 modes de la gamme

Du coup, puisqu’une gamme est composée de 7 notes différentes, on en déduit qu’il en découle 7 modes : un mode à partir de chacune de ses notes.

Le premier mode, c’est la gamme elle-même, mais ensuite on a le mode construit à partir de la deuxième note de la gamme qu’on appelle le mode n°2, le mode construit à partir de la troisième note de la gamme qu’on appelle le mode n°3 etc.

3) Le nom des modes

Mais plutôt que de définir les modes par un numéro, on va leur attribuer un petit nom. Ce sera plus joli.

• Le mode n°1, c’est-à-dire la gamme, c’est ce qu’on appelle le mode ionien. Donc dans notre exemple on a affaire à la gamme de Do Majeur, ou au mode de Do ionien, c’est la même chose.
• Le mode n°2, c’est ce qu’on appelle le mode dorien. Ici en l’occurrence, il s’agit du mode de Ré Dorien (parce que comme c’est le cas avec les gammes, la première note du mode lui donne son nom).
• Le mode n°3, c’est ce qu’on appelle le mode phrygien, donc ici on a affaire au mode de Mi Phrygien (vous avez compris le principe)
• Le mode n°4 le mode lydien
• Le mode n°5 le mode mixolydien
• Le mode n°6 le mode aéolien
• Et le mode n°7 le mode locrien

4) Modes de la gamme majeure

Alors vous voyez que jusqu’à maintenant, pour construire les modes, on est parti d’une gamme majeure. Mais est-ce que ça marche aussi avec les gammes mineures ? Par exemple, si je prends la gamme de La Mineur, est ce que la aussi j’obtiens des modes si je la commence par une autre de ses notes ?

Pour répondre à cette question, je vous laisse observer la gamme deux secondes :

Ça ne vous rappelle rien ? Bah oui, c’est le mode n°6 de la gamme de Do Majeur.

Donc en fait, mode aeolien et gamme mineure, c’est la même chose. Tout comme mode ionien et gamme majeure c’est la même chose.

Du coup, puisque la gamme mineure c’est déjà un mode en soi, on ne pourra pas de créer de nouveaux modes à partir de là. (Si vous essayez, vous allez juste retomber sur les modes qui existent déjà).

Petite parenthèse pour les puristes : oui il est possible de créer des modes à partir des gammes mineures harmoniques et mélodiques, mais dans 99% des cas, en musique quand on parle des « modes », ça fait référence aux modes de la gamme majeure.

II / Modes majeurs et modes mineurs

La première chose à avoir en tête, c’est qu’on va pouvoir classer les modes en deux grandes familles.

On a les modes majeurs d’un côté, et les modes mineurs de l’autre. (Comme les gammes). Les modes ionien, lydien et mixolydien sont majeurs, et les modes dorien, phrygien, aéolien et locrien sont mineurs.

Alors à quoi est-ce que ça sert de savoir ça ? Eh bien vous allez voir que ça va vous permettre de retenir beaucoup plus facilement les modes. Parce qu’en fait, on va venir comparer les modes majeurs à la gamme majeure et les modes mineurs à la gamme mineure. Comme ça, les modes vont apparaitre comme de simples variations de ces gammes.

On va voir ça en détail dans la prochaine partie, vous allez comprendre tout de suite. Et on commence sans plus tarder avec les modes majeurs. 🙂

III / Les modes majeurs

Pour rappel, les modes majeurs sont : le ionien, le lydien et le mixolydien. Le ionien on va le laisser de côté parce que c’est la gamme majeure, ce qui nous amène au lydien.

1) Le lydien

a) Le quatrième mode de la gamme

Comme on l’a vu, le mode lydien c’est le quatrième mode la gamme. Ce qui veut dire que si on prend une gamme majeure et qu’on la commence par sa quatrième note, on obtient un mode lydien.

Par exemple ici, en prenant la gamme de Do Majeur et en la commençant par sa quatrième note, on a obtenu le mode de Fa lydien.

b) Construire le mode lydien

Mais pour bien comprendre ce qui fait la spécificité du lydien, on va comparer cette fois ci la gamme et le mode du même nom.

Par exemple, on va mettre en perspective la gamme de Do Majeur avec le mode de Do Lydien. (Ou on aurait pu prendre la gamme de Fa Majeur avec le mode de Fa lydien, vous avez compris le principe).

On voit qu’entre les deux, il n’y a qu’une seule note de différence : la quatrième. On est en présence d’un Fa naturel dans le cadre de la gamme de Do Majeur et d’un Fa dièse dans le cadre du mode de Fa lydien.

Qu’est-ce que ça veut dire ? Eh bien qu’à partir d’une gamme majeure, pour obtenir le mode lydien du même nom, il suffit d’augmenter son degré IV d’un demi-ton. Si je prends la gamme de Fa Majeur, pour obtenir le mode de Fa lydien, j’augmente son Sib d’un demi-ton ce qui donne un Si naturel.

Donc pour résumer :

• Quand on prend une gamme majeure et qu’on la commence par sa quatrième note, on obtient un mode lydien (mais ce sera celui du nom de cette quatrième note)
• Par contre, pour obtenir le mode lydien de la gamme elle-même, il suffit d’augmenter son degré IV d’un demi-ton

Et c’est justement quand on compare le mode avec la gamme du même nom qu’on voit que le mode devient une simple variation de cette gamme comme je l’expliquais tout à l’heure. En l’occurrence, le lydien c’est juste une gamme majeure dont a augmenté le degré IV d’un demi-ton.

c) Sonorité du mode lydien

Puisque ce degré IV augmenté c’est le seul qui différencie la gamme majeure du mode lydien, on dit qu’il s’agit de la note caractéristique du mode. C’est elle qui va lui conférer toute sa couleur.

Cette note caractéristique donne au lydien un son brillant, presque magique. On a l’impression d’être dans une fable. Il y a un autre morceau qui caractérise très bien ce son : le thème de Yoda dans Star Wars.

On est en Do lydien, on le voit parce que la mélodie comporte un Fa# au lieu d’un Fa naturel (le fameux degré IV augmenté), et dans les accords, on a un Ré septième de dominante qui comporte lui aussi ce Fa#.

2) Le mixolydien

Bon je pense que vous avez compris la logique, donc à partir de maintenant on va pouvoir aller beaucoup plus vite.

Pour comprendre ce qui fait la spécificité du mode mixolydien, on va comparer une gamme majeure avec le mode mixolydien du même nom. Par exemple la gamme de Do Majeur avec le mode de Do mixolydien.

Là aussi il n’y a qu’une note de différence, mais cette fois c’est le degré vii. On est en présence d’un Si naturel dans le cadre de la gamme de Do Majeur et d’un Si bémol dans le cadre du mode de Do Mixolydien.

Conclusion : à partir d’une gamme majeure, pour obtenir le mode mixolydien du même nom, il suffit de baisser son degré VII d’un demi-ton. Par exemple, à partir de la gamme de Sol Majeur, le mode de Sol Mixolydien est Sol, La, Si, Do, Ré, Mi, Fa, Sol.

Ce degré VII abaissé c’est la note caractéristique du mode. C’est elle qui lui donne sa couleur musicale.

Le mixolydien est un peu plus sombre que la gamme majeure. Personnellement quand je l’entends, c’est les mots: folklorique, oriental, voir même mystique qui me viennent à l’esprit.

Il y a par exemple le morceau « Norwegian Woods » des Beatles qui cristallise assez bien l’esprit du mixolydien.

On est en Mi Mixolydien. On le voit parce qu’en Mi Majeur il y a 4 dièses à la clé, donc normalement le Ré est censé être dièse, mais ici on a à la place, un Ré naturel qui correspond au degré VII abaissé d’un demi-ton.

Juste avant de passer aux modes mineurs, petite parenthèse. Là, on est en train de voir des notions théoriques assez avancées, et je sais que pour certains d’entre vous, ça peut paraître encore un peu flou. C’est normal.

Mais justement, si vous voulez maîtriser tous les concepts du solfège, j’ai créé la formation Solfège Pratique pour ça.

Dans Solfège Pratique, on reprend tout depuis zéro : lecture de notes, rythmes, intervalles, gammes, et on va au fond des choses. L’idée, c’est qu’à la fin de la formation vous ayez complétement intégré la théorie musicale pour pouvoir jouer plus sereinement, et surtout pour comprendre ce que vous faites.

Et comme c’est le cas ici, tout est expliqué clairement avec à chaque fois des exemples pour que ça reste concret. Si la formation s’appelle Solfège Pratique ce n’est pas pour rien.

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IV / Les modes mineurs

Comme on l’a vu, il y a quatre modes mineurs : le dorien, le phrygien, l’aeolien et le locrien. L’aeolien on le laisse de côté parce que c’est la gamme mineure, donc on va commencer par s’intéresser au dorien.

1) Le mode dorien

La logique va être exactement la même qu’avec les modes majeurs : on va comparer le mode à la gamme du même nom, pour en déduire sa note et donc sa couleur caractéristique. La seule chose qui va changer, c’est qu’ici, puisqu’on a affaire à des modes mineurs, on va les comparer à la gamme mineure.

Par exemple, voici la gamme de La Mineur et le mode de La Dorien :

On voit que la note caractéristique se situe au niveau du sixième degré. En dorien on a le degré vi réhaussé d’un demi-ton.

Ce sixième degré réhaussé fait que le dorien sonne de façon plus « aérien » que la gamme mineure. On a le côté triste du mineur, mais avec une petite touche d’espoir, ce qui donne cette sensation de mélancolie.

On l’entend par exemple très bien dans la chanson « Tears for fears » de Mad World qui est en Fa Dorien.

On retrouve dans la mélodie le Ré bécarre qui correspond au degré VI réhaussé, et ce même Ré se retrouve dans l’accord de Sib Majeur joué au même moment.

2) Le phrygien

Pour ce qui est du phrygien maintenant :

Comme vous pouvez le voir, la note caractéristique, c’est le degré ii qui a été abaissé d’un demi-ton. Cette note confère au mode un ton encore plus sombre que la gamme mineure.

C’est pour ça qu’on va beaucoup retrouver le phrygien dans le métal. Comme par exemple dans le riff de Wherever I may Roam de Metallica qui est en Mi phrygien. (On le voit grâce au Fa bécarre).

3) Le locrien

Et enfin pour terminer, on arrive au locrien. Alors ce mode est un peu particulier parce qu’il est très peu utilisé dans la pratique. Pourquoi ? Parce qu’il est super dissonant et instable.

C’est encore plus dark et dérangeant que le phrygien. C’est pour ça que je ne vais pas trop m’attarder dessus.

Mais si vous voulez quand même un exemple d’un des rares morceaux qui l’utilise, vous pouvez jeter une oreille à Army of me de Bjork.

Conclusion

Pour terminer, je vous propose qu’on se fasse un petit recap des différents modes, histoire que tout soit parfaitement clair. Mais avant ça, si ce n’est pas encore fait, abonnez-vous à la chaîne Composer sa Musique en cliquant ici (avec la cloche des notifications) pour ne rien manquer de mes futures vidéos. 😉

Ok donc d’un côté, on a la gamme majeure (ou mode ionien), et les modes lydien et mixolydien qui sont majeurs, et de l’autre, on a la gamme mineure (le mode aeolien), et les modes dorien, phrygien et locrien qui sont mineurs.

Le mode lydien, c’est une gamme majeure dont a augmenté le degré IV d’un demi-ton. Cette note caractéristique fait que le mode sonne de façon encore plus lumineuse que la gamme majeure, il est presque féerique.

Ensuite on a le mode mixolydien, qui correspond à une gamme majeure dont le degré VII est abaissé d’un demi-ton. Cette note lui donne une couleur légèrement plus sombre et un caractère plus folklorique que la gamme majeure classique.

Pour ce qui est des modes mineurs : le dorien correspond à une gamme mineure dont le degré VI est réhaussé d’un demi-ton. Cette note caractéristique apporte une petite touche d’espoir à la mélancolie naturelle du mineur, ce qui laisse une impression douce – amère.

Le phrygien, c’est une gamme mineure avec le degré ii abaissé d’un demi-ton, ce qui lui donne un ton encore plus sombre que le mineur.

Et enfin, on a le locrien dont la note caractéristique est la quinte diminuée. C’est le plus sombre de tous les modes. Mais sa sonorité est tellement tendue et instable, que dans la pratique, il n’est pas souvent utilisé.

Voilà les amis, j’espère que tout cela vous permet désormais de mieux comprendre les modes. J’ai vraiment essayé de rendre ça le plus concret et compréhensible possible.

Si vous avez d’autres exemples de chansons composées à partir de modes, n’hésitez pas à les partager dans les commentaires ! Sur ce, je vous dis à très bientôt dans la prochaine vidéo, ciao.

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